Un peu d'histoire...
“À partir de l’époque de Charlemagne, une ère nouvelle commence pour Molsheim dont le nom apparaît ainsi pour la première fois vers 820, sous le règne de Louis le Pieux. Longtemps l’histoire du lieu s’écoule sans laisser de traces écrites importantes : les évêques de Strasbourg y figurent comme propriétaires de biens de plus en plus étendus, qui leur sont périodiquement contestés par les souverains du Saint Empire romain germanique.
Les textes du Haut Moyen Âge, à la fois rares et peu sûrs, ne donnent pas les moyens de dissiper l’obscurité dans laquelle sont plongées les origines de Molsheim.
La première mention de Mollesheim
La plus ancienne citation apparaît dans un acte du début du IXe siècle. Il s’agit en réalité d’une notice écrite autour de l’an mil, et rappelant les donations réalisées par différents évêques strasbourgeois, en faveur du chapitre de Saint-Thomas, à Strasbourg.
Ainsi, vers 820, Adeloch (évêque de 817 à 822), fondateur de Saint-Thomas, lui avait cédé des terres et des vignes situées in marcha Molleshemero. À sa suite, Richwin (évêque de 916 à 933) et Erchenbald (évêque de 965 à 991) firent également don, au même chapitre, de propriétés au ban de Molsheim. En 1163, Frédéric Barberousse (empereur de 1155 à 1190) confirme l’ensemble de ces biens, dont plusieurs vineas in Mollesheim.
Deux conclusions peuvent être tirées des indications données par ces pièces d’archives. La première, la plus importante, est l’existence dès l’époque carolingienne d’une localité rurale portant le nom de Mollesheim, dont les habitants vivaient dans de modestes cabanes groupées en hameau. La deuxième leçon est que la culture de la vigne semble y avoir joué un rôle privilégié dès les IXᵉ – Xᵉ siècles.
Molsheim était né, mais ce n’était encore qu’un village dont les terres relevaient de différents propriétaires. Pour autant que nous le sachions, la modeste localité n’était le siège d’aucune autorité politique, si humble fût-elle. Pourtant, l’indication d’une marcha (= circonscription pouvant englober plusieurs localités) est importante. Ainsi, vers 820, Molsheim n’est plus un hameau quelconque ; c’est déjà un petit “chef-lieu de district”.
Frédéric II et la fondation de Molsheim
C’est à l’initiative des empereurs que Molsheim doit sa transformation en ville. Dans ce processus, l’intervention de Frédéric de Hohenstaufen (empereur de 1220 à 1250), petit-fils de Frédéric Barberousse, fut décisive : bien plus Italien qu’Allemand, ce souverain portait une affection particulière à l’Alsace, où il séjourna souvent de 1212 à 1220. Il avait compris que, pour assurer la puissance impériale, la création de villes était plus nécessaire encore que la construction de châteaux. Dans cette politique territoriale, Molsheim avait sa place, modeste, certes, mais réelle. Une route amenant le sel lorrain passait par la vallée de la Bruche, et l’établissement d’une ville fortifiée était souhaitable sur cet itinéraire. Mais l’intérêt d’une nouvelle cité n’est pas uniquement stratégique : fonder une ville, c’est y attirer de la population (donc des contribuables !) et, dans le cas présent, c’est s’assurer un pouvoir réel et des revenus importants, en supplantant de fait l’évêque de Strasbourg…
Molsheim et Mutzig étaient entourés de territoires épiscopaux et le futur Frédéric II ne pouvait espérer aboutir à un accord avec les évêques de Strasbourg ; en prenant possession de Molsheim, il abandonnait la voie de la légalité pour celle de l’usurpation.
La charte établie à Haguenau, le 4 février 1220, peut être considérée comme l’acte de naissance de la ville. À cette occasion, le souverain place les habitants (cives de Mollesheim) sous sa protection et leur accorde un certain nombre de privilèges : exemption de droits mortuaires, de péages, etc.
Cette intervention conduisit à de nouveaux affrontements. Ainsi, en 1221 et 1223, plusieurs arbitrages obligèrent le souverain à restituer certains droits à l’évêché, tandis que les impôts de Molsheim devaient être partagés entre les deux protagonistes. En 1236, lors du second séjour de Frédéric II en Alsace, on pensa aboutir à un règlement final, mais, devant la vive opposition de Berthold de Teck (évêque de 1223 à 1244), l’empereur dut renoncer à ses projets. À partir de cette date, Molsheim se détacha progressivement de la zone d’influence des Hohenstaufen pour revenir parmi les biens épiscopaux.
En 1245, à la suite du départ de Frédéric II pour l’Italie et, surtout, après son excommunication au premier Concile de Lyon par le pape Innocent IV, la position des Hohenstaufen en Alsace s’effondra. Rival du souverain, l’évêque de Strasbourg devint le seul maître de Molsheim ; il put sans grande peine détruire ce que son prédécesseur avait échafaudé et devenir, pour un temps, le seigneur alsacien le plus puissant.
Mais le pouvoir temporel des évêques sur Molsheim devait rester l’enjeu d’un litige théorique jusqu’à l’avènement de Henri VII (empereur de 1308 à 1313). Cette rivalité valut à la cité la perte irrémédiable de son autonomie qui lui a souri un moment et qu’elle faillit acquérir, à l’instar de certaines villes alsaciennes qui, plus tard, constituèrent la Décapole et parmi lesquelles figuraient ses voisines Rosheim et Obernai.”
Texte de Grégory Oswald, conservateur du musée de Molsheim